Messe chrismale en la Cathédrale de Troyes

Le 30 mars 2021

C’est une belle dynamique que nous offre cet Evangile de Luc en cette messe chrismale. Nous sommes dans la synagogue de Nazareth, un jour de sabbat. Jésus se lève pour faire la lecture. Il déroule le livre qui lui est remis et trouve le passage d’Isaïe où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’ a consacré par l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres … ». Tout est là ! « Il m’a consacré par l’onction. » Sans vouloir être pédant .. .« èchrisen » en grec. Nous pourrions traduire :  « Il m’a christifié ! »Et nous nous souvenons que c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de « chrétiens ». « Christianous ». Les christifiés ! (Ac 11,26).

Oui, c’est une belle dynamique qui nous est offerte en cette page. Parce que si tout semble se dérouler « selon l’habitude » comme il est écrit au début de notre texte … Jésus annonce que c’est ce jour là, « aujourd’hui » que ce passage de l’Ecriture s’accomplit ! La Parole annoncée se fait réalité. « Le Verbe se fait chair » ! « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. » Tout allait bien se passer. On avait toujours fait comme cela. Mais ce jour-là, dans la force de l’Esprit, la Bonne nouvelle s’accomplit, se réalise.

« Selon l’habitude » … « Comme d’habitude » … « On a toujours fait comme cela … » Au terme de ce Carême, au moment de fêter la nouveauté de Pâques, nous pouvons bien nous demander si nous ne sommes pas nous aussi laissés enfermés dans nos habitudes au point de ne pas laisser surgir en nous la nouveauté de l’Esprit. Que sont devenues nos résolutions du mercredi des Cendres … nous nous souvenons de Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse. C’est d’avoir une âme habituée. » (note conjointe sur Monsieur Descartes)

« Nous ne sommes plus en chrétienté … Le temps que nous vivons n’est pas seulement une époque de changements mais véritablement un changement d’époque », je reprends les mots que le pape François adressait à la Curie en la fête de Noël 2019. Bien sûr, c’est une infinie tristesse de le constater. Je me souviens, entre autres, des semaines saintes de mon enfance à Piney. C’étaient « les vacances de Pâques »… Mais alors, que devons-nous réaliser, nous les christifiés,  pour proposer la Bonne Nouvelle de Jésus au cœur de ce monde tel qu’il est ? C’est tellement triste de voir tant de jeunes et tant d’autres qui crèvent de soif à côté de la Source ! Leurs rencontres sont le plus souvent virtuelles sur les smartphones. Et ce temps de confinement accentue les distances derrière ces masques qui cachent les visages…

Au cœur du monde, tel qu’il est, nous voici donc invités, dans la force de l’Esprit, à proposer le Christ et son Evangile : la Bonne nouvelle annoncée aux pauvres. C’est le texte de ce jour. Devenir ce que nous sommes : des christifiés ! Nous n’avons pas tant à être des signes d’Église, mais des signes du Christ. C’est en cela que nous serons l’Église. Où en sommes-nous de notre rencontre personnelle avec le Christ, de la prière au coeur de nos journées,  de la méditation de la Parole ? Et puis, parce que c’est incontournable,  de la proximité effective avec les pauvres, les captifs. Je les évoquais à l’instant…. les captifs de toutes les modes intellectuelles, commerciales ou médiatiques. Bien sûr, nous sommes dans un monde de privilégiés. Mais il y a et « il y aura toujours des pauvres parmi nous … »  C’est une grâce de pouvoir rencontrer sur nos routes, en vérité, ces pauvres de toutes sortes qui nous expriment leur richesse et nous révèlent nos pauvretés. Je suis sûr que beaucoup parmi vous sauriez le dire, en actes et vérité.

J’ai beaucoup apprécié la dernière Lettre apostolique de notre pape François à l’occasion du 150ème anniversaire de la déclaration de saint Joseph comme patron de l’Église universelle : « Avec un cœur de Père » ! C’est ainsi que Joseph a aimé Jésus qui est appelé dans les quatre évangiles « le fils de Joseph ». En ce jour où nous sommes, dans la diversité de nos vocations de « christifiés »,  désireux de nous laisser saisir par l’Esprit pour accomplir notre mission, je relève ce passage : Histoire de ne pas nous lamenter mais de nous ré-enthousiasmer à cause le l’Évangile :

« Le bonheur de Joseph n’est pas dans la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. On ne perçoit jamais en cet homme de la frustration, mais seulement de la confiance… Le monde a besoin de pères, il refuse les chefs, il refuse celui qui veut utiliser la possession de l’autre pour remplir son propre vide ; il refuse ceux qui confondent autorité avec autoritarisme, service avec servilité, confrontation avec oppression, charité avec assistanat, force avec destruction. Toute vraie vocation naît du don de soi qui est maturation du simple sacrifice. Ce type de maturité est demandé même dans le sacerdoce et dans la vie consacrée. » Et  puisque la messe chrismale rassemble l’ensemble du Peuple de Dieu, dans la diversité de nos vocations,  je poursuis la citation : »Là où une vocation matrimoniale, célibataire ou virginale n’arrive pas à la maturation du don de soi en s’arrêtant seulement à la logique du sacrifice, alors, au lieu de se faire signe de la beauté et de la joie de l’amour, elle risque d’exprimer malheur, tristesse et frustration ».

Nous allons justement continuer notre Messe Chrismale. Le saint Sacrifice de la Messe. C’est le lieu physique, puisque sacramentel, de notre rencontre avec le Christ ressuscité.  Jusqu’à ce qu’il revienne dans la gloire. C’est étonnant que des chrétiens n’en perçoivent plus ces temps-ci, pour un certain nombre de raisons, non pas tellement la nécessité, mais le manque. Nous allons pouvoir reprendre des forces en ce Corps livré par amour.

Et puis nous allons bénir les huiles. D’abord cette des malades. Dieu sait s’ils sont bien tous présents dans notre prière en ces temps-ci. « Pour soulager le corps, l’âme et l’esprit. » Depuis plus d’un an, une pandémie envahit  notre planète. Presque 3 millions de morts. Des millions de personnes touchées d’une façon ou d’une autre. Tout proches de nous peut-être. Soyons vraiment les samaritains qui ne passent pas à côté dans la diversité de nos présences. Merci à tous ceux et celles qui se surpassent pour être proches et attentifs à tous et à chacun.

L’huile des catéchumènes. Réjouissons nous de tous ces jeunes et moins jeunes pour qui, justement, le Christ est devenu Quelqu’un au coeur de leur vie. Ils vont être régénérés dans une nouvelle naissance. Pour leur bonheur et la joie des communautés chrétiennes. Puissent-elles bien les accueillir.

Et puis la consécration du Saint-Chrême. L’Huile parfumée de tous les « christifiés » dans la diversité de leurs vocations. Que la bonne odeur de cette huile qui va se répandre parmi nous, symboliquement sans doute, soit une belle image de l’Église au cœur de ce monde. D’où vient ce parfum original au coeur des cités et des campagnes, il apporte une douceur et une sorte de joie de vivre, un parfum ancien avec un je ne sais quoi de nouveauté exigeante mais essentielle qui invite à la rencontre ? Certains disent qu’il vient de loin. Qu’il est sorti d’un Coeur brisé sur une croix pour se répandre ensuite hors d’un tombeau vide dans un matin de Résurrection.

Evêques, prêtres et diacres, et nous tous dans la diversité de nos vocations, soyons simplement heureux de redire notre « oui » au Seigneur. Je suis sûr que Mgr Stenger est en communion avec nous en ce moment. Il nous l’a dit. Nous le gardons dans la communion de la prière. La prière est toujours le lieu de la plus grande communion. Et puis nous sommes aussi dans une communion affective et effective avec tous ceux et celles avec lesquelles nous portons notre responsabilité de disciples-missionnaires, dans la diversité de nos vocations, prêts à accueillir celui que le Bon Berger nous enverra au service de l’annonce la Bonne Nouvelle. Amen