L’esprit à l’œuvre dans le cœur des croyants

L’événement de la Pentecôte est un tournant dans les débuts de la mission des apôtres : le don de l’Esprit les transforme au plus profond d’eux-mêmes et les rend aptes à la mission. La peur, encore présente dans les premiers jours après la résurrection, disparaît. Voilà qu’ils s’adressent à la foule cosmopolite présente pour la fête juive des Tentes et tout le monde les comprend, chacun dans sa propre langue. Les apôtres, envoyés par le Christ, ont été rendus aptes à annoncer la Bonne Nouvelle et à parcourir les terres au-delà de la Galilée, à la demande même de Jésus.

L’Esprit, que nous recevons à notre baptême et en plénitude lors de la confirmation, nous rend aptes à accomplir ce que le Christ attend de nous : la proclamation de la foi et la vie selon l’Évangile. En nous comblant de ses dons, l’Esprit, le Don par excellence, chasse toute peur, fortifie l’être de disciple, inscrit au fond de l’être la joie et la paix, éclaire notre intelligence, ouvre notre bouche et délie notre langue, suscite l’enthousiasme de nos cœurs, donne la force pour accomplir la volonté de Dieu. Le concile Vatican II va jusqu’à préciser que l’Esprit nous donne des grâces spéciales pour disposer nos êtres aux missions que nous recevons dans l’Église, et nous donner l’aptitude pour les assumer (Constitution sur l’Église, §12). Sont-ce de belles paroles pieuses ou bien croyons-nous effectivement que le Saint-Esprit agit au fond de nos êtres qui ont été marqués de son sceau ?

Ainsi, l’Esprit dépose dans le cœur des baptisés le sensusFidei, cet instinct qui permet de connaître le mystère même de Dieu, et de manière infaillible. En rencontrant d’autres baptisés, nous pouvons être surpris comment l’un ou l’autre éclaire notre compréhension du mystère de Dieu par sa propre intelligence et son expérience spirituelle. Cependant, ces justes intuitions se trouvent mélangées à d’autres opinions purement humaines ou à des erreurs ; nous pouvons nous tromper car toutes nos pensées ne procèdent pas de la foi. En réalité, l’instinct de la foi est proportionnel à la sainteté de notre vie : le développement de notre connaissance de Dieu, don de l’Esprit, est encore l’œuvre de l’Esprit. Pour faire grandir en nous le sensusFidei, il faut faire croître en nous la sainteté !

Nous avons besoin également des autres et de l’Église pour faire grandir notre connaissance de la foi. Là encore, l’Esprit est à l’œuvre. C’est lui qui éveille en nous la capacité à écouter les autres, à disposer nos cœurs pour accueillir une parole différente, parfois inattendue ou déstabilisante. L’écoute véritable, celle de Dieu, celle de l’Église, celle des autres, et avant tout celle de l’intime de notre propre cœur, est un don de l’Esprit. Il n’est pas facile d’écouter réellement : nous sommes distraits par le brouhaha qui envahit trop souvent notre être et pollue nos pensées, nous ne voulons pas quitter nos certitudes et nos jugements parfois péremptoires. L’écoute spirituelle de l’autre prend du temps, nous fait entrer en terre inconnue, accueillir l’inattendu.

L’écoute ne suffit pas, il est nécessaire de discerner pour faire le tri dans nos pensées entre ce qui nous élève vers Dieu et ce qui nous détourne de lui. Le discernement est à nouveau l’œuvre de l’Esprit et il s’agit du discernement de la communauté auquel nous prenons part. Nous avons besoin de l’Église, des autres, pour accomplir un juste discernement. À travers un dialogue sincère, serein, objectif avec nos frères et sœurs, nous allons pouvoir écouter la voix de l’Esprit. En partageant les dons reçus, en mettant notre énergie au service des autres, nous prenons part à l’œuvre de l’Esprit qui nous fait chercher ce que Dieu veut. Le vrai discernement est exigeant : il passe par la purification de nos sentiments et de nos désirs, dans la recherche de la vraie liberté qu’apporte le Christ. Nous nous heurtons aux conceptions différentes des autres : sans avoir peur d’affronter le désaccord, l’Esprit nous donne la force d’aller au-delà de nos oppositions, nous élevant pour nous réconcilier sur un plan supérieur.

C’est bien l’œuvre de l’Esprit, permettant à tous ceux qui étaient présents le jour de la Pentecôte et qui ont écouté Pierre, d’être « touchés au cœur » et, ayant accueilli la parole de Pierre, de pouvoir être baptisés. Ce ne sont pas de belles paroles, mais l’Esprit à l’œuvre dans le cœur des croyants, il y a deux mille ans et encore aujourd’hui !

Mgr Alexandre Joly,

Evêque de Troyes