Billet de l’évêque

 

« Faut-il vraiment organiser une aide active à mourir ? »

 Il y a quelques jours, le Président de la République a ouvert le débat sur la fin de vie afin que la loi puisse autoriser une aide active à mourir, en d’autres termes légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. Cette demande est récurrente, certains en ont fait un vrai combat, d’autres pays ont fait le choix de légaliser ce geste de mort.

Les sondages semblent dire qu’une grande majorité de français est favorable à cette évolution de la loi. Pour ce faire, on présente souvent des situations plus extrêmes, on fait référence à la souffrance de tel ou tel proche dans les derniers temps de sa vie : dans un premier élan du cœur, soulager la souffrance en aidant la personne à mourir semble presqu’un acte de charité.

Cependant, il ne s’agit pas d’aider la personne dans l’ultime chemin qui la conduit à la mort mais de provoquer cette mort, de mettre fin à la vie. De la sorte, notre société enfreindrait l’interdit de Dieu qui vient du début de la Révélation : « Tu ne tueras point » (Ex 20,13 ; Dt 5,17) alors que Jésus nous a donné le modèle du bon Samaritain qui prend soin de son frère « à demi-mort » (Lc 10,33-35). Faut-il vraiment organiser une aide active à mourir ? Ne convient-il pas plutôt de développer les soins palliatifs, l’attention portée à nos frères et sœurs malades, la délicatesse à l’égard des plus anciens, la fraternité dans le temps consacré à l’autre, le refus de laisser qui que ce soit se trouver isolé dans un temps de souffrance ?

Lors de mes années romaines, j’ai servi pendant trois ans dans un hôpital soignant les malades atteints du Sida ; il n’y avait pas beaucoup de solutions à cette époque, et j’ai accompagné de nombreux jeunes jusqu’à la mort. Je me souviens de Maria, écrasée par les douleurs dans les os, qui n’avait qu’une seule inquiétude : comment aider sa mère à accepter sa mort prochaine. Ce qui comptait pour elle était l’autre, la relation à l’autre. Je n’oublie pas non plus Mohammed, migrant abandonné par sa communauté d’origine, dont la vraie souffrance était la solitude de sa chambre, personne n’allant le visiter.

Accompagnant les prêtres de mon ancien diocèse de Rouen dans leurs derniers jours, je n’oublie pas non plus Pierre qui souffrait terriblement et ne voulait plus vivre ; lorsqu’il a été admis dans l’unité des soins palliatifs de l’hôpital, bénéficiant alors d’une attention de tous les instants, la paix et la sérénité ont remplacé l’angoisse qui l’étreignait dans la solitude de son presbytère. Chrétiens, choisissons de suivre l’Évangile jusqu’au bout, choisissons la vie comme le rappelle le livre du Deutéronome (cf. Dt 30, 19)

+ Alexandre Joly
évêque de Troyes